À l’exception de quelques manifestations collectives, on avait jusqu’alors peu vu d’œuvres de David Saltiel (né en 1967). Et pour cause : il n’est venu à l’art qu’il y a six ans. Pour cette première exposition personnelle à Paris, Saltiel a réalisé trois importantes d’installations, d’une grande justesse.
La première est un long couloir de six mètres de long, ambiance Barton Fink ou Alice au pays des merveilles, avec neuf portes, pour la plupart fermées, derrière lesquelles on entend des voix off en monologues évoquant des rêves. À chaque bout, un couloir fermé par des miroirs et recouvert un papier peint avec papillons, sauterelles et scarabées.
La seconde, se compose d’une quinzaine de petites maisons roses installées autour d’un bassin plein d’eau sur lequel trône une autre maison rose, emprisonnée sous cloche celle-là.
Tout autour, sur le sol, sont posés les bandes de tapis pseudo-chic qui mènent contre une fausse porte, projetée sur un mur vers la troisième œuvre : un cadre de porte en fer, à l’intérieur duquel sont tendues des plumes de paon avec, à côté, un faux tapis volant sur lequel on s’assoit pour regarder une vidéo.
Autant de dispositifs dans l’espace destinés à réveiller nos dispositions à nous situer ça et là (c’est le titre de l’exposition), à passer (ou non) d’un monde à l’autre, à franchir les frontières réelles (une vraie porte) ou imaginaires (une fausse).
C’est sur ce lieu du seuil, sur ce moment du passage et du glissement que travaille Saltiel, pour en révéler l’aspect tenu, poétique et aussi subtil et fragile qu’une plume de paon ou un battement d’ailes de papillon.
publié dans Libération en décembre 2002
With the exception of a few group shows, until now we've seen very little work by David Saltiel (b. 1967). And for good reason: he only came to art six years ago. For this, his first solo show in Paris, Saltiel has created three important installations, all of which are very pertinent.
The first is a long, six-metre-long corridor with a Barton Fink or Alice in Wonderland feel, with nine doors, most of them closed, behind which we hear monologue voice-overs evoking dreams. At each end, a corridor closed by mirrors and wallpapered with butterflies, grasshoppers and beetles.
The second is made up of some fifteen small pink houses set around a basin full of water, on top of which sits another pink house, this one imprisoned under a bell.
All around, on the floor, are strips of pseudo-chic carpet that lead to a false door, projected on a wall towards the third work: an iron door frame, inside which are stretched peacock feathers, with, next to it, a false flying carpet on which you sit to watch a video.
These are all spatial devices designed to awaken our ability to situate ourselves here and there (ça et là, the title of the exhibition), to move (or not) from one world to another, to cross real (a real door) or imaginary (a false one) borders.
Saltiel's work focuses on this threshold, this moment of passage and slippage, to reveal its tenuous, poetic aspect, as subtle and fragile as a peacock feather or the flutter of a butterfly's wings.
published in Libération, december 2002