chambre sombre
revelation room
2013
projet pour une collection privée
verre laqué noir
70x70x226 cm chaque élément
La chambre noire, « camera obscura », est un instrument optique qui permet d’obtenir une projection de la lumière sur une surface plane, et ainsi de reconstituer une vue en deux dimensions très proche de la vision humaine.
Dans la photographie argentique, la chambre noire est l’espace où l’absence de lumière est nécessaire à la révélation de l’image photographique.
Dans son dernier essai(1), l’ethnologue Charles Stépanoff distingue deux sortes de chamanismes dont les finalités sont voisines, alors que leurs rituels s’opposent en tout : la tente claire et la tente sombre.
La cérémonie de la tente claire se déroule toujours à la lumière (du jour ou du feu). Elle est orchestrée par le chamane en grand costume cérémoniel, avec tambour et guimbarde, au milieu même des non initiés. Il s’agira pour le chamane soit d’accéder à la subjectivité des animaux, soit de ramener l’âme d’un malade en train d’errer vers le monde des morts ou bien encore de rejeter un esprit malfaisant.
Ce mode chamanique est qualifié de hiérarchique parce qu’il trace une frontière marquée entre les profanes et le spécialiste (le chamane) qui entre en communication avec l’invisible.
Dans la pratique de la tente sombre, « une assemblée se réunit dans un espace sans lumière au milieu duquel se tient un chamane ligoté. Dans l’obscurité totale, on chante, on appelle les esprits, et bientôt des bruits et des voix se font entendre. Ce sont des oiseaux et des animaux de la forêt, mais aussi des ancêtres. Les participants peuvent leur parler, les interroger sur la localisation du gibier qu’ils vont chasser ou sur une maladie dont souffre l’un des leurs » (2). L’imaginaire de chaque membre de l’assemblée est ici convoqué, rendant par là même chacun producteur et acteur de la situation entrain de se créer.
(1) «Voyager dans l’invisible, techniques chamaniques de l’imagination », Charles Stépanoff, préface de Philippe Descola, 468p., éd. La Découverte, 2019
(2) Charles Stépanoff, « La tente sombre, antichambre du rêve », Annuaire de l’École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses, 124 | 2017, 15-18.
revelation room
The darkroom, « camera obscura », is an optical instrument that allows to obtain a projection of light on a flat surface, and thus to reconstitute a two-dimensional view very close to human vision.
In silver-based photography, the darkroom is the space where the absence of light is necessary to reveal the photographic image.
In his latest essay(1), the ethnologist Charles Stépanoff distinguishes two kinds of shamanism whose purposes are similar, while their rituals are opposed in every way: the light tent and the dark tent.
The ceremony of the light tent always takes place in the light (of day or fire). It is orchestrated by the shaman in large ceremonial costume, with drum and jew's harp, in the midst of the uninitiated. The shaman will either access the subjectivity of animals, or bring back the soul of a sick person wandering towards the world of the dead, or reject an evil spirit. This shamanic mode is described as hierarchical because it draws a sharp line between the layman and the specialist (the shaman) who enters into communication with the invisible. In the practice of the dark tent, « an assembly gathers in a lightless space in the middle of which stands a bound shaman. In total darkness, people sing, call the spirits, and soon noises and voices are heard. They are birds and forest animals, but also ancestors. The participants can talk to them, ask them about the location of the animals they are going to hunt or about an illness from which one of their own is suffering. »(2) The imagination of each member of the assembly is summoned here, making each one the producer and actor of the situation being created.
(1) «Travelling in the invisible, shamanic techniques of the imagination», Charles Stépanoff, preface by Philippe Descola, 468 p., éd. La Découverte, 2019
(2) Charles Stépanoff, « The dark tent, antechamber of the dream », Annuaire de l'École pratique des hautes études (EPHE), Section des sciences religieuses, 124 | 2017, 15-18.